Catégorie : Rainer Maria Rilke
RILKE, Rainer Maria – Tout redeviendra grand.
Troisième Élégie de Duino, Rainer Maria Rilke
CE PEINT TEMPS
CE PEINT TEMPS
Le livre de la pauvreté et de la mort
(Paris, 1902)
Je suis peut-être enfoui au sein des montagnes
solitaire comme une veine de métal pur;
je suis perdu dans un abîme illimité,
dans une nuit profonde et sans horizon.
Tout vient à moi, m’enserre et se fait pierre.
Je ne sais pas encore souffrir comme il faudrait,
et cette grande nuit me fait peur;
mais si c’est là ta nuit, qu’elle me soit pesante,
qu’elle m’écrase,
que toute ta main soit sur moi,
et que je me perde en toi dans un cri.
Toi, mont, seul immuable dans le chaos des montagnes,
pente sans refuge, sommet sans nom,
neige éternelle qui fait pâlir les étoiles,
toi qui portes à tes flancs de grandes vallées
où l’âme de la terre s’exhale en odeurs de fleurs.
Me suis-je enfin perdu en toi,
uni au basalte comme un métal inconnu?
Plein de vénération, je me confonds à ta roche,
et partout je me heurte à ta dureté.
Ou bien est-ce l’angoisse qui m’étreint,
l’angoisse profonde des trop grandes villes,
où tu m’as enfoncé jusqu’au cou?
Ah, si seulement un homme pouvait dire
toute leur insanité et toute leur horreur,
aussitôt tu te lèverais, première tempête de monde,
et les chasserais devant toi comme de la poussière_
Mais si tu veux que ce soit moi qui parle,
je ne le pourrai pas, car je ne comprends rien;
et ma bouche, comme une blessure,
ne demande qu’à se fermer,
et mes mains sont collées à mes côtés comme des chiens
qui restent sourds à tout appel.
Et pourtant, une fois, tu me feras parler.
Que je sois le veilleur de tous tes horizons
Permets à mon regard plus hardi et plus vaste
d’embrasser soudain l’étendue des mers.
Fais que je suive la marche des fleuves
afin qu’au delà des rumeurs de leurs rives
j’entende monter la voix silencieuse de la nuit.
Conduis-moi dans tes plaines battues de tous les vents
où d’âpres monastères ensevelissent entre leurs murs,
comme dans un linceul, des vies qui n’ont pas vécu
Car les grandes villes, Seigneur, sont maudites;
la panique des incendies couve dans leur sein
et elles n’ont pas de pardon à attendre
et leur temps leur est compté.
Là, des hommes insatisfaits peinent à vivre
et meurent sans savoir pourquoi ils ont souffert;
et aucun d’eux n’a vu la pauvre grimace
qui s’est substituée au fond des nuits sans nom
au sourire heureux d’un peuple plein de foi.
Ils vont au hasard, avilis par l’effort
de servir sans ardeur des choses dénuées de sens,
et leurs vêtements s’usent peu à peu,
et leurs belles mains vieillissent trop tôt.
La foule les bouscule et passe indifférente,
bien qu’ils soient hésitants et faibles,
seuls les chiens craintifs qui n’ont pas de gîte
les suivent un moment en silence.
Ils sont livrés à une multitude de bourreaux
et le coup de chaque heure leur fait mal;
ils rôdent, solitaires, autour des hopitaux
en attendant leur admission avec angoisse.
La mort est là. Non celle dont la voix
les a miraculeusement touchés dans leurs enfances,
mais la petite mort comme on la comprend là;
tandis que leur propre fin pend en eux comme un fruit
aigre, vert, et qui ne mûrit pas.
O mon Dieu, donne à chacun sa propre mort,
donne à chacun la mort née de sa propre vie
où il connut l’amour et la misère.
Car nous ne sommes que l’écorce, que la feuille,
mais le fruit qui est au centre de tout
c’est la grande mort que chacun porte en soi.
C’est pour elle que les jeunes filles s’épanouissent,
et que les enfants rêvent d’être des hommes
et que les adolescents font des femmes leurs confidentes
d’une angoisse que personne d’autres n’accueille.
C’est pour elle que toutes les choses subsistent éternellement
même si le temps a effacé le souvenir,
et quiconque dans sa vie s’efforce de créer,
enclôt ce fruit d’un univers
qui tour à tour le gèle et le réchauffe.
Dans ce fruit peut entrer toute la chaleur
des coeurs et l’éclat blanc des pensées;
mais des anges sont venus comme une nuée d’oiseaux
et tous les fruits étaient encore verts.
Seigneur, nous sommes plus pauvres que les pauvres bêtes
qui, même aveugles, achèvent leur propre mort.
Oh, donne nous la force et la science
de lier notre vie en espalier
et le printemps autour d’elle commencera de bonne heure.
Rainer Maria Rilke
Présence contrecarrée, quelque chose d’inhabituel étouffe la raison profonde qui m’a jusqu’ici tenue là vif au combat. Il manque à ce magique avènement ce qui l’induit normalement par effet de cycle. En lui, est un élément contraire qui abolit sa nature même et l’entraîne au gouffre, s’est glissé . Je n’ose….et pourtant dans ce désordre ambiant qui anémie la terre entière, il se pourrait que l’annonce me soit plus personnelle… entends-je les trompettes, le dernier-faire part que ma révolte de vivre ne pourrait repousser des quatre fers ?
Ma richesse de la vie, certes, n’accepte pas la pauvreté de la mort mais quand c’est l’heurt c’est plus l’heur. Si la cloche a sonné le bout du couloir, il faut décrocher le manège du porte-manteaux et de l’aqueux du mickey.
Niala-Loisobleu – 20 Mars 2017
Des chemins clairs qui figurent sur le plan, parfois des noms de rues s’effacent, se glissent alors des impasses aux fonds baptismaux induisant une erreur de naissance…
Des chemins clairs qui figurent sur le plan, parfois des noms de rues s’effacent, se glissent alors des impasses aux fonds baptismaux induisant une erreur de naissance…
Me levant du ban de mon existence, je me souvins que j’avais abandonné mes clefs dans l’appartement avant d’en claquer la porte. La cage d’escalier ne laisse plus passer le moindre bruit de conversation. Lurette qu’aux paliers, DO NOT DISTURB, ça balance comme à pari à la ficelle de chaque poignée de porte. A qui demander « Où par là ça mène-t-il ? »
Nib de Gaston, pas plus qu’un autre pour répondre au téléfon.
Angoisse.
Entrant dans mon jardin secret, derrière le gros cerisier, je trouve le rossignol faisant passe pour tous mes tiroirs
Soudainement un bruit de roues sort du plafond de la cage, le câble des cordes vocales de l’ascenseur, en se tendant, perdait les zoos.
Je me dis, ouf ça va renaître
-Alors qu’est-ce qui t’arrive ? demande Aurore
Passé le frisson d’impression d’au-delà, je reprends conscience. La petite fille de la femme austère est devant moi, elle me tend son sourire. Puis tourne sur les pointes. »Salto tout l’monde »qu’elle dit en riant comme un petit rat dans ses grands égards… Pas Degas n’apparait de derrière les rideaux. Donc pas de vieux salaces dans l’entr’acte. Les lumières me montrent le plafond.
Un émerveillement !
Il est empli de Chagall. Je tremble, pleure, l’émotion me coule des tripes. Plus de fantôme de l’ô qui paiera comme l’injustice l’exige. Il s’est fait avaler par le trou du souffleur. L’instant d’après icelui-ci me dit « Remballe les films d’épouvante, remonte l’heur à la voile, hisse la trinquette et tire un bord, cap au large. On déhale des cons, on s’écarte des lises, des étocs, des naufrageurs, des-on-m’a-dit-que-vous-êtes-au-courant, on casse la mire de la télé-bobards, des émissions qui montrent les richards dépouilleurs d’îles désertes aux SDF, genre la Tessier & Nikos and co, merde à vos bans comme aurait dit Léo !
Aurore me saute au cou, son parfum de gosse me tourneboule. C’te môme à m’sort la barbe de l’attente de la toison d’or.
Le Petit-Prince, son frère Théo au ciel, la p’tite soeur Line agnelle, les roses, les épines, le serpent et le renard, le désert, la serpette et la belette gonflent les binious genre fez noz que ça gigue du talon dans les Monts d’Areu. Me v’là r’venu à Brocéliande. Merlin assis au centre de la ronde clairière me dit :
« Vas ton odyssée jusqu’au bout de la confiance, elle cédera pas, t’es assez un Pi pour muter croyant en ta foi ».
La mer sort de l’épave et remet taire à flots
Du château de sable un don jonc tresse la corbeille de la mariée.
Le matin referme les portes de la nuit
Je la chevauche à cru
J’tiens d’bout
Niala-Loisobleu – 26 Août 2016
Elle se glisse comme la pensée vierge
Elle se glisse comme la pensée vierge
Viens avec moi. Le matin ne le saura jamais,
et dans la maison nulle lampe n’épiera ta beauté…
Ton parfum imprègne comme un printemps les oreillers :
le jour a mis tous mes rêves en pièces, –
tresses-en une couronne.
Rainer Maria Rilke
Tu n’es plus sous verre, le cadre s’est ouvert
je t’ai reconnue
en voyant entrer tes seins les premiers
J’ai faim de te commencer…
Niala-Loisobleu
1er Mars 2016
.