LE BLEU
Lorsqu’on renverse la tête sur le sable, et que le jour décroît,
Soudain les yeux s’entrouvrent : c’est le bleu
Du ciel immense, l’espace transparent du ciel bleu, pays
De la lumière vive au-dessus de la joie de l’arbre,
Et le héron prudent pose une patte circonspecte, risque l’autre
Sur le mercure miroitant; la flaque réfléchit l’impavide, l’immense,
L’absolu bleu.
Nous oublions
Les luttes d’un cœur épris d’amour et les distances.
Le bleu
Traverse l’air impalpable, visite la branche immobile qui le salue,
Se laisse étreindre par les yeux qui le pénètrent.
Dans le vitrail éclate la fanfare du jour,
La rosace infusant le doux acquiescement de la lumière.
Même un nuage infime et haut fait concevoir
Les éloignements sans fin de la distance où glisse
Au pli de la tenture une aiguille suivie
D’un fil qui s’effiloche.
Une invisible main
Tente de coudre à l’aube enfuie le crépuscule,
Puisque emporté par son poids, le soleil
Déchire la mandorle où le temps le suspend,
Et que le bleu pâlit à l’horizon.
La mer
Répand sur ses genoux qui tremblent,
Le vaste drap où flambent ses ciseaux,
Berçant infiniment nos cœurs qui se désolent
D’être mortels encore sous l’azur éphémère.
Philippe Delaveau