La vérité du drame est dans ce pur espace qui règne entre la stance heureuse et l'abîme qu'elle côtoie : cet inapaisement total, ou cette ambiguïté suprême. Saint-john Perse
Apprendre à fouetter les mots Avec le soleil du silence Pour leur lâcher la bride Jusqu’à l’ombre Du soi
Et…Dans la lumière de leurs galops Tutoyer leurs éclats d’écume Sans marchander l’amour Qu’ils appellent Du fond D’un lointain habillé Par nos songes
Au moindre tremblement des sens A leur moindre dérive Lancer la relève Pour les abriter Du battement De l’oubli…
Là déroulés sur Le tapis de l’accueil Aucune trêve Ne les abandonnera Au chaos
Et pour les choses plaquées Qui bruissent en notre Cœur Briquer notre langue Avec la tendresse En laissant Soupirer Nos pauvres nerfs
On les retrouve sans-cesse Ces imbrications Du sens Avec La trame A chaque fois imprévue Où se déploie La chevauchée Des mots
Ici : C’est à la fois L’œil de l’astre royal Appuyé sur le poids De nos vies A la fois l’écueil où se heurte L’inconnue de nos résistances : Le tumulte du travail : Juste là dans Les bris des plis Doucement hésitants Où s’aventure L’avancée Comme soufflée Sur un chemin …
L’écueil ! Ne pas casser ses traces Et enlacer en même temps La plus vive des Circulations… Non pas celles qui courent Dans la ville Mais la plus fervente Qui témoigne A l’instant Pour un futur Sans-cesse inachevé…
Comme un soulèvement Dans la marche zébrée D’ombres pour Des mots Clairs : Celle où nous n’attendons Que la voile quand elle Se dresse sous Le vent : La fin d’une époque transitoire Où rugissait le futur Sans autre brillant Que la fuite Du temps
Écueil ! Écueil ! C’est le temps Qui passe dans la résistance De l’instant Pour Une langue sans autre promesse Que celle allant Dans la grande allure Des mots sortis de la gangue De tout corps fixé A des rapports De forces Pour Entrer dans le jeu vif Des chairs où vibre La caresse du sens Sur l’instant
Aucun galop des mots Ne saurait usurper La belle présence Du silence Rentré Dans les veines Et les artères De l’humain : Ce silence : témoin De toutes les rumeurs De l’amour.
La tête prise par mille feux qui enrubannent le boulevard , On se laisse porter dans la ville qui se réveille avant le jour . Quelques fenêtres diamantent dans des hauteurs obscures ; Elles retiennent de l’errance du regard
L’horizon , rampe de la nuit serrée par les étoiles des lampadaires , Se soulève en couleur mauve .
Tout un théâtre de vie veillée par la Marianne noire , est encadré Par les enseignes qui l’ensanglantent .
Une bise glacée sous l’auvent ; elle embrasse l’éveil …
Bleu plafond de la nuit qui décline …
Les liens de moins en moins lâches des silhouettes grises Qui courent , courent , S’augmentent Des files serrées de fauves aveuglants .
Tête rentrée dans la lèvre du boulevard , On est pris maintenant Par l’accélération Du rythme de La circulation …
Les mots sont soufflés dans le gris du jour qui vient Et la pierre pâle , hirsute , des immeubles Ne nous laisse plus distinguer Les lueurs des fenêtres .
L’horizon est aux filets noirs des arbres Fondus dans un harnachement blanc Du ciel …
Plus d’étoiles fixes … Plus de feux roulants … Plus de files serrées de fauves aveuglants . Quelques passants se précipitent …
La première heure du jour est là , coïncidant avec la première affluence passée, appelée Par le travail .
Ces griffes de lumière sur la pierre sombre Ces puits brillants – insondables dans les murs-tombes Cet alignment discipliné des lampes or Ce macadam aux couleurs des feux du décor
Et cette pluie qui suinte sur le boulevard Mais du rire ici la compagnie n’est avare Elle rend tous les éclats bariolés de la ville Elle construit – la nuit – son port comme d’une île
J’attrape l’air de ses paroles comme il vient C’est à chaque fois un printemps qui se retient On aime bien les parcelles de l’inconnu Quand il se moque du ciel et nous met à nu
Pas de noir chaos mais le hasard de l’écoute Qui met notre mélancolie dans la déroute Ici : l’architecture – là : le bel amour Plus loin : les confidences pour le jour …
Tout en même temps : l’arsenal des différences Qui passe outre la guerre contre l’errance Autant de lumières pour faire un arc-en-ciel Où les voix multiples instruisent du réel
Et tirer à soi la bohème du poème Libère pour l’Humanité notre « Je t’aime ! » Sans avoir rien à oublier de son passé… C’est assez prévenir ce qui peut le casser
La pluie dans la nuit demeure sans incidence Sauf pour Misère la supportant en silence Ah ! Que les passeurs de la veille ne l’oublient Ici – quand à toute souffrance elle se plie
Quelques fenêtres ont lancé la mélopée Nous y avons puisé l’énigme d’une paix Qui a chanté et enchanté par des discours Ne ressemblant à rien au mauvais jeu de cour
Sous l’auvent la ville a fait briller tout le proche Quelque musique en vers essayés le décoche Hors des horizons qui font briller le lointain Dans l’étincelant de leurs miroirs sans teint.
Giboulées ! Vous tenez Mars en sauvage paix Car lorsque Soleil perce dans les nuages Vous nous entretenez de cet espoir épais Que Dame Nature veille en Paris sans rage
Nous voudrions aller loin dans la liberté En alliant dans nos corps les grains et leur puissance Avec cette présence empreinte de beauté D’éléments d’univers portant terre à l’essence
Qu’en disant : pâle émondé à falloir Serait-il arbre à raser de savoir Même sans nom à porter pour son deuil Ne tenant aucun froid corps à son seuil
Au sang neuf Pas tout veuf
De feuilles disparues Tient quad-même à la rue
De maintes pluies Renoue sans bruit
Tout à l’an maintenant Plein allant mains tenant
En deux mille à l’an trois Deux mille en plein tout droit
Non de nom ô Pardon Noué même cloué même Platane est aussi don D’ombre pour tous qu’il aime
Au vrai n’est pas laid tant Sème aux pas haletants Tous ces sons qui résonnent En pente qu’il arraisonne Tous ces fils de lumière Qui ont connu les guerres
Voyez ces cœurs marqués aussi tendre à son bord
A l’écorce craquée qu’il ne peut avoir tord
Même si fut tirée ça a vrillé en vain Tue la vue mais retisse Cette foudre artifice La chair tenue au vin Les traits chantants – le bruit d’une nuit étirée
Pour lui frais sans renom Qui – au brillant – dit non
Du labyrinthe en murs Leur eau prise à la ronde Là dans sa halte est-ce Tu demeures au futur Si ivre en airs du monde Est-ce en silence qu’il gobe Cette lune à sa robe Lui si haut en finesse La sachant si cachée Au paravent déhanché Et ascète au bon nid Et saint au nom honni Platane platane
Veut – Se rêve Plus tout jeune Être roi Pourtant jeûne O sans toit Sans aumône Ni relève Tient le trône Explosant fixe En croisées d’X
Lors il médite en plis Et – encore – se déplie
D’ailleurs – si sonore et bruissant Qu’il – ô Sans son vert port luisant Se dépièce à sa lune En bien peu de vraie tune
Lui Tant-pis Si Deux pies lui volent son haut vol Tout en proie A sa croix Sait l’étroit Casser droit
Et les pierrots tous rêvassant A lui – ô Depuis acquiesçant Lui qui luit Dans la nuit Se haussant s’assurant Tient tête Aux tempêtes Qui ravinent Aux racines Et s’affine A une lime Pare au sang des errants Ici reste tout en geste
Lui le pâtre Se met en quatre Du droit passant Evanescent A la lumière Contre la pierre
Et nul berger Dans sa vraie toile N’est bien âgé Cœur à l’étoile
Platane platane Ramifie en obliques Comme tout en musique Rissolant à la lune Avec aucune tune Sis à ses régiments Alignés sous l’argent Qui même ne dénoue Ni même ne dément Les pas heurté des gens C’est lui qui reluit Et déroule Là – les ombres Toutes en nombre A son tronc Aussi rond Qu’alors -saoules – S’en vont et s’enfuient
Et ceint qu’en ses lances Scellées au silence Il bouge – entre en transe Quand l’éclair le tanse
Vrai – il le sait laid Tout le faux parler
Tout épris à l’eau Il la sent S’en ressent D’ailleurs A l’heure Quand se colle à sa peau Le vrai homme d’hiver Il le sait si Sisyphe Qu’à son or incisif Tempère au corps la pierre Liée sans y paraître Au bien de tout son être Il le sait si bien d’ailleurs Que laissé tout-à-l’heure A son vif sang resserre Sève aux maisons qu’il serre
Pourtant qu’à l’or mort – là – qui tremble aux liens Lui – sans feuilles au corps – là – ça semble bien
Aux hauteurs – tant et tent Fuit-il vraiment ces temps ? Dans son tronc non caché Pourtant si peu haché Haut – n’est pas relâché N’est pas si déhanché Que livré aux fumées Il n’essaye de humer Rissolant les couleurs Avalant les odeurs
Mais le sait-on jamais Était-il désarmé Quand – par le vent s’ôtaient Tous ses moufles De ses doigts tout aux toits : Tout son souffle On le sait pour l’instant : Non scié – patientant
Sous l’élan de la bise Soulevant son étai Il se noue aux incises Pour aller à l’été
Il sait – épris pour l’homme Si dessous sa couronne Les sons ne virent plus Qu’alors il ne plaît plus
O lui sec – froid aux pluies Et qui a mal relui Depuis le gel du temps Donc si peu enchantant A l’œil et aux oreilles Pour les seuils et pour les veilles Là – ces gens qui s’entêtent A l’oubli et aux fêtes Frisent l’instant sans voir Qu’après ils broient du noir
Hors blé sûr – lui moissonne A ras l’eau – ne s’assome Pas aux ultimes rixes Des passants qui – eux – crient Après a voir tant ri A la lune il se fixe
Là – vieux soldat roué Il roule tout noué Les écorces du temps Qu’il envoie patientant A la lèvre de la rue Pour qu’elles se diluent Dans le sang des bohèmes Que par sa peau il sème
Aux ombres sans soleil Passe encore à la veille Lui qui assise en terre Le savait qu’il s’entaille Tout à l’heure au travail Hombre ! Vertus au vert !
Ici aux traces De neuves eaux fortes Au millénaire Que lampa d’air L’ambre des portes
Ciselant place
Et là même le bois neuf Tout vidé de son stuff Nage en stuc d’acajou Figé aux joues qui jouent Dans rue ivre en sueur Qui passe à sa lueur Au guet Si gai Le souffle d’autres arbres S’asphyxie dans le marbre
Et de la sorte Non abaissé Oui c’est béat Mais sans céder Tout le temps là Qu’il a brassé Tout l’art aux dés Jetés aux portes
Quand bon an – mal an Ceint quant au ligné Si près en sa hotte Platane se prend Tout souligné Là dans les bottes Aux brefs cadrans Tâche aux talents De tout reprendre :
Nef – vagues au son Nectar en cendres Anse des vrilles Piques d’éclair Mouches de ville Lucioles en l’air
Et le tout si saillant Pris juste dans le vent Quand soupe l’horizon Au reflet naufragé Aux rigoles encagées
L’ocre jaune des fêtes Lui remonte à la tête
Mais n’est vraiment de marbre Ce si beau gréement d’arbre Brassant le jeu sérieux Suspendu même aux yeux Avec lui même mieux Etre alors en son lieu
ça ne l’effeuille plus Cent maux quand il a plu
C’est encore lui qui s’ensonge De par son cœur qui le ronge Si on a faim de savoir Où et quand – en quel vouloir Le monde roué lui mange Si à ses trous ça s’arrange
De la ronde aux plein minuits L’essentiel Est-ce qui luit A l’émoi donc aussi N’est plus vraiment rassis Qu’allant tout dépassé Les courants du passé O dés-lors retrouvé Au jeu sache rêver Là en veille et autour Souffler comme une tour Allé roquer en roi Ce qui ne tient qu’à toi Arbre piquant au cœur vu Mettre en échecs le su
Dame à la main Danse en témoin Pour lendemain But main pour maints
Qu’encore la finesse En sa halte renaisse : Pour aimer bien les fleurs Tout attendre vers l’heur
Sachez le à l’émoi Allez avant le mois Aux dés que tout raconte Ça ira sans éponte Le désir de tout art : Arbre de part en part Même si tout en vie Haït la belle envie
Platane platane Soustrait à l’horloge Qu’il suit dans sa loge Il tient au carrefour A tendre au temps qui court
Mais n’est pas si sourd En émois : vœux lourds A plier la loi Verrait bon aloi Et – ô Pas en rien – Saurait bien en corps Soleil à ses feuilles Froisser un peu l’or jusque sur les seuils
Mais bien tenus liens Corps branchés branchés Qui – noués penchés Moins seuls – sans complainte Déhancheraient crainte Pour fraîcheur qui mord Tendent ce qui tord
Allons donc au pas Mettre tout au vert Pour qu’en un grand tas La chanson resserre Le temps de l’arbre Si noué au sabre Du temps de tout homme Sans qu’elle ne s’assomme
D’ailleurs il suffit Qu’à lui on se fie Aller à la fête Qu’elle vienne en tête
Se met en quatre Le bon vieux pâtre Froissé au vent Bien en avant Et chuchote – il Le cœur bien en ville N’est pas dévot Pour l’or du veau
Tout à toi cet émoi Au silence d’hiver Distanciés : toits divers Vois bien : dans quelques mois Ses branches bien vrillées Connaissent l’ouvrier Pas de culte pourtant En cet occulte temps Rivé neuf tout au temps Veille pour le printemps
En ondées le suprême C’est là don que l’on aime Déliant bien son tout
Et passant tout à coup Vois encore en envois Verticale en sa voix Une âme sans relique Fait battre ondes en musique
Oui l’arbre assez tique à sa touche Quand le vent hurle dans sa bouche
Forcé ainsi à l’art Il le redonne à part Passant tout en lumière Passant tout fin aux pierres Les sons et le silence Patience et impatience Les saisons et les guerres
Et là pose sa paix Quelqu’un pour la happer Un peu soustrait du monde Comme éperdu – il sonde S’accordant au désir Ne joue pas le beau sire Plante là le décor Tout en corps et encore En cent comme en deux mille Toussant la pluie en ville Il songe là tout pile Son destin sur ses cils
Son air est sans raison C’est son nerf la maison
Platane – si tu t’embêtes On te rase la tête Reste là toi – au vent Reste là toi – si savant Attention Pour passion.
Quand j’écris, quand je parle, où s’inscrit la limite ? Inutile de chercher à séparer l’inséparable.
Entre vie et mort, de manière absolument tragique, j’exagère allègrement, et cela me donne des ailes. Pour mieux tomber.
Comment naître de cette mort, cette inconnue qui détient le sens de ma vie ? À chaque seconde, dans mon cœur, elle rebondit.
Je suis une parleuse et je déparle. Simplement, je rythme ma chute.
….
Jour d’océan Sur l’iris du temps J’avance Dans les parfums de l’enfance
Dans la perte fixe de mes racines Dans l’invisible De précipice en poussière Je me cale sur le silence Des mes contraires Je respire le nu de mes cendres
Des pioupious au flanc de rue lancent gazouillis C’est au flux et reflux des vagues de la ville Qu’en sioux amadoué je cueille l’âme habile Du p’tit brouillamini qui là leur est saillie
Ce doux et charmant chœur – ruisseau de liberté En cet arbrisseau roux – tend à prendre racine – Cette brassée des corps – ce sont brins de beauté Où l’antre de l’âme doucement se ravine
Dans le gel du matin : ce murmure en fontaine : Sel d’amour de mutins – défait murs qui enchaînent.
Je rentre dans le ciel bleu D’où chutent les circulations lentes Du soleil Que n’apprivoisent pas celles Plombées mais galopantes Des véhicules en proie A de vertigineuses Courses Vers des horizons serrés Par des ailleurs Improbables Pour un temps apparemment libéré Du travail – mais Qui convoie A l’oubli de l’hier
Mais se retrouver hors des ombres Conduit combien d’hommes A ne rien voir Des variations de la lumière Qui pourraient rythmer Pour eux Une passe lente du temps
Serait-elle vraiment ailleurs Et pour combien d’hommes fiers De leur autonomie ? Lignes de fuite pour échapper Ne serait-ce qu’un jour de plus – A la fixation par la vitesse aveugle De l’intime et secrète vie De leurs désirs
Non ! Prendre au calme soleil Prendre à ce jeu d’ombres et de lumière Glaner tranquillement sa durée Ses formes en douces stries Variables et musicales Sur les murs Secrets Sur les fenêtres sorcières Sur le macadam Fiévreux Sur les herses d’arbres dénudés
En saisir ainsi de l’inamovible Règne courant immobile Du travail : L’univers des songes et laisser Fluctuer le sauvage Cours du monde
Ne pas tomber dans ce semblant imperturbable Et obscur – d’une réalité dévolue Au trafic Mais l’oubli qui ne crie pas Qui ne chante pas ? : L’oubli de l’oubli Fondu Dans un soleil comateux de l’être Il court vers les nids Repus Du laisser paraître
O Temps des vitesses qui ne s’accordent Qu’avec la rotation à sens perdu Fermé à tout horizon De la ville !
O Temps de tous les paraîtres Infirmes de leurs pensées oubliées Vite – très vite !
Le trafic est là Mais la totonomie se blesse Dans les fractures Insondables Des cœurs Ah ! Lancer son char comme en triomphe Total de l’autonomie
Chaque course en vedette de soi-même Chaque voyage charriant les nerfs A bout de corps fendus Dans l’enfer Du mobile tendu Par la soif De la fuite Sans rémission autre Que l’infecte paradis Du tout consommable
Et cela consume – paralyse Pensée- Amour – Désir Et cela tue le possible Partir à jet continu Éjaculer l’instant Comme si c’était A chaque fois Le dernier soupir des dieux Ne jamais entrevoir Un ciel autre Que dans la tempête intériorisée De l’oubli de l’oubli Pourtant … Ah ! Couper court à tout ce fictif Devenu réalité et … : Traverser l’instant Jusque dans la fidélité A l’éveil Où demeure tout guetteur De tout hasard Constructif
Chercher cependant la chair des âmes Comme si jamais elle ne devait Scissionner Et … Là – dans la présence au monde Pourrait alors souffler Aux lèvres Le doux bruit Du temps d’un baiser Livré aux passades concrètes Du désir demeuré Désir
Mais trop attendre et juste vouloir Sauter dans la jouissance Dès que l’on vous L’ouvre : Cette porte – c’est se livrer Aux promesses du trafic Et courir tout droit Vers la désespérance ! O Combien Obsédante avec sa nostalgie Des songes jamais Réalisés que Dans l’aboiement feutré Du plaisir arraché Au long désir Pour décharner ce qui pèse : Cette indépendance Solaire D’un corps demeuré corps Dans la pensée.
Alain Minod
Au sujet de MinodAlain
A Propos
« La ville où le nulle part a lieu » Édition Librairie Galerie Racine « La ville où le nulle part a lieu » – sous-titre : « Le proche et le lointain » Collections Poètes des Sans Continents Éditions POLLYGLOTTEVoir la biographie et les textes de cet auteur
Si nous enfumons l’instant Avec une plume guerrière Qui se satisfait de son empire Et de la vitesse de ses armes…
Si nous tordons l’arc du futur A l’image d’un présent obscur Plein de tensions arque-boutées Sur elles-mêmes et sur Le prétendu destin Des noms qu ‘elles Trament tragiquement…
Verrons-nous la clarté Qui ne dépend que de ses sources Et de leur cheminement Dans ce monde-chaos ?
Nous y buvons avec notre coupe : Un poème à fleur d’eau Se remplissant D’avenir Poussant vers l’océan…
Et pour l’Humanité-embouchure Nous gardons la fraîcheur Des hauteurs Et démultiplions le sens Du présent qui va En cascades
Alors l’instant fleurit de tous Ses passés conjoints… Il offre la paix Qui ne brûle pas Dans le labyrinthe des temps actuels
Nous sommes des indiens Pour l’éternité-nature Où nous envoyons Les flèches qui filent entre Ses négateurs actuels Qui la méprisent Pour rejeter le passé Et ses défenseurs Qui s’y réfugient pour Nier le présent
Toucher l’amour infini : ce coursier de l’univers Côtoyé par nos rêves – Revit dans l’instant Où nous veillons Pour y cheminer…
Toutes les cibles de son lointain Nous les rendons vivantes Avec l’écriture du cri D’une enfance Qui s’ouvre Et s’épanouit à l’école du poème
Combien de certitudes guerrières Devenues si froides Et raidies Qui se sont crispées Dans la vitesse Sans cibles Autres que celles Comprises par leur propre histoire Qui court après sa fin :
Celles de l’advenue du nouveau Sortant des miroirs de La renommée Qui renvoient à l’homogénéité Des positions du Face à face Guerrier
Et là où tout se vaut Nul nouveau N’advient Rien que du sur-place Qui agrandit la vitrine des puissances Où tout s’achète Même les larmes Même les éclats de rire Jusqu’à la tragédie !
Mais l’indestructible poème Creuse la terre de l’instant Et le remonte comme L’arbre et ses racines
Il creuse et tient les fulgurances D’où sa langue se déploie Et il vit jusqu’au Chuchotement Sur les lèvres Des amoureux
Sans gloire – ni prophéties – ni promesses Il relève l’histoire et la tend Dans son arc D’où fusent les voix Comme dans le plus profond lancé Sur un chemin où Il s’aventure Pour créer des clairières Toujours nouvelles Près des sources Jaillissant de l’humaine condition
Sous la rigueur de l’instant
Ne meurt pas le souvenir
Toujours rejaillissant
Dans la fontaine
Des mots
Et – ne pas avoir à répéter
En est le signe
Occulte
Un temps dans le vide
Comme dans la fournaise …
Et se lance une voix
Comme une soudaine respiration
De l’impossible réel …
Battue en corps
Elle lui soutire le possible
En le chevillant à la vitesse d’une fulguration
Que l’on veut capter
Comme éclair
Illuminant un quartier plongé
Dans l’obscur
C’est incessamment
Que l’amour monte à sa renverse
En ordonnant le délié
D’un sens
Aux sons prolixes de la pensée
Faite langue
Et le souvenir se plie au proche
Il le féconde à partir
Du lointain
Puis … :
Ce que l’on a toujours vu :
Il se raye et s’enraye
Sous la plume
Vorace de
Nouveautés
La musique alors s’empare du hasard
Dirait-on qu’elle lui tord le cou ?
Non ! Elle chemine comme
La pensée dans
Les mains d’un poème …
Et c’est assez prendre l’imprévu
Assez mordu au réel
Qui dit : « Non ! Je ne l’ai pas vécu
Cet instant où le « Je pense »
S’enflamme sous
Le court-circuit
De l’instant »
Qui le dit peut voir – écouter –
Dans la fontaine des mots
Danser les feux follets
Du Verbe …
D’où l’on tire un flux qui déroule
La soif d’un sens orienté
Vers un horizon
Affranchi
Des lignes épaisses
Où insisterait la courbe non-délimitée
Du déjà vu – du paraître plein
D’habitudes insignifiantes
Car c’est à chaque fois que se lance un poème
Que se relance l’horizon à chaque fois
Nouveau
Foin de l’idée qui s’use dans l’instant
Foin de l’oubli qui meurt
A l’instant
On aura toujours pensé le lointain
Au fil déroulé de l’infini réel
D’une mathématique bleue
Pour toucher
L’autre bout de la courbe
Celui de l’asymptote
Où tout toujours
Évolue
On s’en va si loin dans l’écriture
Quand la voix s’arme
Du phrasé d’un sens…
Jamais plus on ne tranchera
Au creux de la chair
De l’âme
On lui dit : « Viens !
Modèle mon désir
Module-le
En chant »
Alors l’horizon s’éclaircit
On touche à l’aurore
Et on la remue dans sa main …
Chaleureuse intensité
De qui vient
Et s’abstrait
De la morne répétition…
Des voix multiples qui se donnent
Rendez-vous en concert
On tire le silence
Du quant-à-soi
Et puise
Plus allègrement à la fontaine des mots
Vous voulez vous saisir de la clef
De cet impossible devenu
Possible réel ?
Armez-vous plutôt
De la présence
Au monde !
Sortez de la survie où vous convie
Tout destin de Pouvoir !
Réinventez le monde
A partir de ce monde
Et démultipliez les figures dansantes
Du désir demeuré désir !
Cela aura été ce manque à être
Qui vous aura donné
L’être-même de
La Lettre
Et vous aurez vous aussi
Dansé avec les ailes
De l’éternité
Faite chair et corps de l’instant
La beauté alors en mille fleurs
Viendra s’épanouir sur
Votre chemin
Même s’il est entravé
Par votre misère
Même s’il semble borné
Par votre solitude
Voilà donc que l’on peut boire à la source du temps
Et sortir en même temps de toute promesse
Passée – présente ou à venir
Comme si l’on pouvait
Arracher l’horizon
D’un poème
A la porte
Des songes
Comme s’il avait toujours été question
De l’ouvrir en s’exposant
Aux courants d’air
Avec cette fenêtre du cœur
Elle aussi ouverte
Oui ! Sait-on bien cibler l’errance
Sur les vagues insistantes
De la parole faite
Voix ?
C’est peut-être en se séparant
Du règne de l’habitude
Même si elle insiste
A convoquer
La libre évolution de la pensée
Même si elle semble
Porter sa sécurité
Son aisance !
Tout le temps cependant
Y meurt à l’instant
Vague après vague les mots courent
Et peuvent vous blesser
Avec l’intensité
De leurs galops
Blesser la chair de l’âme
Et vous faire rentrer
Dans l’oubli
De l’oubli …
Lentement pourtant : vous passez ce risque
En réamorçant la musique
Du partage
Car on n’écrit pas sans elle
On pense aussi loin
Que l’on donne
Sa voix
A tout anonyme qui la prendra au vol
Et la recréera pour son concert
Personnel
Ainsi sans perdre le mouvement qui l’anime
On donne à sentir ce pas
Dans la fulgurance
D’un éclair
Initial