Au regard d’Hélène…
L’orage roule à tomber des paquets de mer assez forts pour noyer ce qui reste de grands moments d’amour de ce temps. Hélène et René Guy Cadou sur mon échelle je crois vous voir tout en ô. A l’image de la grandeur qui s’efface vous êtes vivants. Le moins qu’on puisse dire c’est que la vie n’a pas été à la hauteur de votre amour. C’est ça la grandeur. Rien du cinéma Dali, ni de la chanson tournée d’Elsa et de Louis, mais d’une autre manière avec les douleurs d’Eluard. Bretagne battue au sang, Hélène, le large dans les yeux tu l’as mis en Brocéliande et à longueur de landes votre amour absolu.
Au regard d’Hélène je suis pris d’un sentiment à me transpercer, il y a la pierre bâtie du premier jour au dernier, un Roman au tympan sur ses colonnes qui retourne toujours à sa promesse, comme l’estran que rien n’arrête.
Niala-Loisobleu – 15 Octobre 2019
Biographie
Les parents d’Hélène Laurent sont instituteurs, comme ceux de René Guy Cadou, qu’ils connaissent.
Elle nait à Mesquer le ; la famille s’installe à Pornichet en 1925, et à Nantes à partir de 1929. Elle fait ses études secondaires au lycée Gabriel-Guist’hau, puis poursuit des études de lettres et philosophie. La tuberculose, contractée dès 1938, perturbe ses études. Elle s’intéresse à la poésie, lit Brancardiers de l’aube de René Guy Cadou à leur parution en 1937, et participe en 1943 avec un petit groupe d’étudiants à l’édition d’un recueil, Sillages, sous la houlette de Julien Lanoë : elle y écrit sous le pseudonyme de Claire Jordanne3. C’est en allant avec ce petit groupe d’amis rencontrer le jeune poète pour lui demander le parrainage du recueil qu’elle fait la connaissance de René Guy Cadou, le , sur le quai de la gare de ClissonN 1. Dès le lendemain, une correspondance littéraire et amoureuse s’établit entre eux, rapidement suivie de nouvelles rencontres et de longues fiançailles. Elle passe quelques mois de l’hiver 1943-1944 à Bordeaux, où sa sœur Jeanne vient d’être nommée professeur de philosophie. René Guy Cadou vient la voir : on trouve la trace de ces trois jours de ferveur amoureuse dans l’œuvre de Cadou (« Lormont », et « Rue du Sang » in La Vie rêvée). Ils se marient le , alors que René Guy est devenu à la rentrée 1945 instituteur titulaire à Louisfert, près de Châteaubriant. Ils vivent dans la maison d’école du village. L’été, ils font quelques voyages : à Paris chez Michel Manoll, à Orléans chez le peintre Roger Toulouse, à Saint-Benoît-sur-Loire sur la tombe de Max Jacob, dans le Puy de Dôme. Elle participe intensément à la vie d’amitiés et de correspondances poétiques de René Guy Cadou, notamment avec les amis de l’école de Rochefort : Yanette Delétang-Tardif, Michel Manoll, Jean Rousselot, Jean Bouhier, Luc Bérimont, Marcel Béalu, Lucien Becker, le peintre Pierre Penon, entre autres. Elle écrit peu durant cette période (« Trois poèmes d’Hélène », P.A.B. (Pierre-André Benoit) Alès, 1949, 49 ex. HC).
Après la mort de son époux, le , elle quitte Louisfert pour exercer le métier de bibliothécaire à Orléans jusqu’en 1987, où elle est accueillie par des amis de René Guy Cadou, notamment, le maire, Roger Secrétain, le conservateur de la bibliothèque Georges Bataille et le peintre Roger Toulouse dont elle reprend d’ailleurs l’atelier du quai Saint Laurent pour y résider de 1952 à 1954. Elle travaille avec Georges Bataille jusqu’à la mort de celui-ci en 1962, puis avec François Hauchecorne qui lui succède, et devient conservateur.
Elle développe à Orléans une activité culturelle intense, notamment en tant que présidente du Centre d’action culturelle d’Orléans et du Loiret, puis de la Maison de la culture (MCO – Carré Saint-Vincent) de 1967 à 1975. Elle collabore notamment pour ce projet avec Louis Guilloux. Elle est nommée Chevalier dans l’ordre du Mérite en 1975, et reçoit le Prix Verlaine en 1990.
Elle écrit à Orléans une grande partie de son œuvre poétique : ses deux premiers recueils paraissent chez Seghers en 1956 et 1958, mais c’est à partir de 1977 que paraît l’essentiel de son œuvre, chez Rougerie et chez Jacques Brémond : 23 recueils entre 1977 et 2003. Elle termine les études de philosophie qu’elle avait dû interrompre en 1944 pour des raisons de santé, et soutient pour sa maîtrise un mémoire intitulé « Méditation sur le thème de la mort dans “Poésie la vie entière” de René Guy Cadou ». Elle prend sa retraite en 1987, ce qui lui permet de consacrer beaucoup de temps, outre sa propre écriture, à la popularisation de l’œuvre de René Guy Cadou en intervenant dans de nombreux lieux à travers la France, souvent avec les chanteurs qui ont interprété la poésie de René (Martine Caplanne, Éric Hollande). Elle revient habiter Nantes en 1993, pour y créer avec l’aide de la Ville et dans des locaux prêtés par elle dans l’immeuble de la Médiathèque le « Centre René-Guy-Cadou ».
« La Demeure René-Guy-Cadou » à Louisfert photographiée en 2011.
Jusqu’en 2008, elle partage son temps, entre l’école de Louisfert, l’été, et Nantes, l’hiver. L’école de Louisfert est devenue « La Demeure René-Guy-Cadou », musée maison d’écrivain, pour laquelle elle avait entrepris des démarches auprès de la commune de Louisfert jusqu’à obtenir l’accord de la municipalité pour en faire un lieu de mémoire du poète ; elle en a été la conservatrice. La Demeure, propriété de la commune de Louisfert, est gérée par la communauté de communes du Castelbriantais et une association de gestionN 2. À Nantes, le fonds René-Guy-Cadou est géré par la bibliothèque municipale de Nantes. Hélène Cadou a fait don de l’ensemble des manuscrits et correspondances de René Guy Cadou à la ville de Nantes. Ses propres manuscrits y sont aussi déposés.
Elle meurt le 4.
Bibliographie
- Benoît Auffret, thèse de doctorat « Mort et vie en poésie : l’expérience poétique d’Hélène Cadou »5
- Benoît Auffret, Hélène Cadou « La Signature d’une herbe : Hélène Cadou poète », l’Harmattan 2001 (texte remanié de la thèse de doctorat)6
- Un numéro spécial de la revue À contre-silence lui est consacré en 1990, ainsi que le numéro 12-13 de la revue « Signes : René Guy et Hélène Cadou » (éditions du Petit véhicule, Nantes) et « Itinérances (Hélène et René Guy Cadou) » (conseil général de la Loire-Atlantique)
- Sous le signe d’Hélène Cadou, 2010, éditions du Traict. Ce livre, conçu par Christian Renaut, est placé sous le signe de l’amitié et de la poésie ; il réunit des écrivains, poètes, chanteurs, artistes et amis d’Hélène Cadou, « une des plus belles voix poétiques de notre époque »7
- Article dans le Dictionnaire des Écrivains Bretons du xxe siècle (direction de Marc Gontard, Presses Universitaires de Rennes, 2002)
- Cortèges d’anges et de pommiers, article de Bernard Pivot dans Le Journal du dimanche8
Anthologies
- Zeit zum Leben / Le temps de vivre, 21 poètes de Bretagne (traduction en allemand de Rüdiger Fischer, éditions En forêt, 2010)
- Traversée d’océans, Voix poétiques de Bretagne et Bahia (traduction en portugais de Dominique Stenesco, éditions Lanore, 2012)
- Quand on n’a que l’amour (éditions Bruno Doucey, 2015)
- Bris de vers : les Émeutiers du xxe siècle (éditions Bruno Doucey, 2016)
Publications
- Trois poèmes, P.A. Benoît, 1949
- Le bonheur du jour, Seghers, 1956
- Cantate des nuits intérieures, Seghers, 1958
- Les pèlerins chercheurs de trèfle, Rougerie, 1977
- Le jour donne le signal, Les Cahiers du Val Saint-Père, Caen, 1981
- En ce visage, l’avenir, J. Brémond, 1977 (réédition 1984)
- Miroirs sans mémoire, Rougerie, 1979
- « L’Innominéé », Jacques Brémond, 1980, accompagnés de sept encres originales de Jean-Jacques Morvan, réédité en 1983, chez le même éditeur
- Le jour donne le signal, Le Pavé, 1981
- Une ville pour le vent qui passe, Rougerie, 1981
- Longues pluies d’Occident, Rougerie, 1983
- Poèmes du temps retrouvé, Rougerie, 1985
- Demeures, Rougerie, 1989
- Mise à jour, Librairie Bleue, 1989
- L’instant du givre, R. Bonargent, Châteauroux, 1993
- Retour à l’été, Maison de Poésie / Éditions Serpenoise / Presses Universitaires de Nancy, 1993
- La mémoire de l’eau, Rougerie, 1993
- Le pays blanc d’Hélène Cadou, avec des photographies de Christian Renaut, Jean-Marie Pierre, 1996
- Le livre perdu, Rougerie, 1997
- C’était hier et c’est demain, préface de Philippe Delerm, Éditions du Rocher, 2000
- De la poussière et de la grâce, Rougerie, 2000
- Si nous allions vers les plages, Rougerie, 2003
- Une vie entière : René Guy Cadou, la mort, la poésie, éditions du Rocher, 2003
- Le Prince des lisières, Rougerie, 2007
- Blanc, c’est un pays, poèmes extraits du Prince des lisières, illustrations de Nathalie Fréour, éditions Siloë, Nantes, 2010
- Le Bonheur du jour, suivi de Cantate des nuits intérieures, réédition de ses premiers recueils, préface de Jean Rouaud. éditions Bruno Doucey, 20129
Ces yeux-là si plein d’amour me transpercent aussi…oui, je vois l’absolu dedans…
Je t’attendais ainsi qu’on attend les navires
Dans les années de sécheresse quand le blé
Ne monte pas plus haut qu’une oreille dans l’herbe
Qui écoute apeurée la grande voix du temps
Je t’attendais et tous les quais toutes les routes
Ont retenti du pas brûlant qui s’en allait
Vers toi que je portais déjà sur mes épaules
Comme une douce pluie qui ne sèche jamais
Tu ne remuais encore que par quelques paupières
Quelques pattes d’oiseaux dans les vitres gelées
Je ne voyais en toi que cette solitude
Qui posait ses deux mains de feuille sur mon cou
Et pourtant c’était toi dans le clair de ma vie
Ce grand tapage matinal qui m’éveillait
Tous mes oiseaux tous mes vaisseaux tous mes pays
Ces astres ces millions d’astres qui se levaient
Ah que tu parlais bien quand toutes les fenêtres
Pétillaient dans le soir ainsi qu’un vin nouveau
Quand les portes s’ouvraient sur des villes légères
Où nous allions tous deux enlacés par les rues
Tu venais de si loin derrière ton visage
Que je ne savais plus à chaque battement
Si mon cœur durerait jusqu’au temps de toi-même
Où tu serais en moi plus forte que mon sang.
Quatre poèmes d’amour à Hélène,
Editions Les Bibliophiles alésiens,1948
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La beauté de ce visage me fait l’effet d’une fenêtre ouverte sur l’éternité d’un amour que la mort n’a pu fermer.
C’est d’une grandeur que seule une telle rencontre avait prémédité.
C’était lui dans le vent glacé
Je vous dis qu’il vient de passer
C’est encore elle qui l’entraîne
Il faut me laisser m’en aller
Je ne vais pas me faire belle
Il ne se retournera pas
Elle a la douceur de la neige
Et sait lui parler mieux que moi
Mais laissez laissez-moi aller
Il est là de l’autre coté
Peut-être qu’il aurait bien froid
Toute une éternité sans moi !
Hélène Cadiou (Le Bonheur du jour – p. 36)
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Il fallait cette rencontre, oui.
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Une fois pour toutes
Tu as nommé
Le monde où je dois vivre
Chaque chose
Est signe
Avant d’être chair
L’arbre le blé
La vigne
Le sang des terres
M’emporte
Tu fus ma naissance
En toi
Ma mort aura lieu
J’écoute
Venir ta vie.
Hélène Cadou.
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Troublant à s’y retrouver
Le ciel bascule pour peser ses mots…
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Savoure les, Mon…
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Si loin que l’océan est a pied…
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Déchaussé..Tu sais que c’est ainsi qu’on entre…
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Le cheval trouve sabot…
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Le taureau itou
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Quand le ventre casque à pointe c’est assaut de tranchée…
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banderilles en danseuses…
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A un poil de gagner les deux oreilles…
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Je crois que je vais faire semblant d’ignorer ce que l’on peut gagner en sus des deux oreilles…
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L’aqueux du chat s’allonge avant l’ouverture des guichets…
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Des rides du tant des oiseaux content leurs nids
Julie
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