LA SEMAISON |
I
Nous voudrions garder la pureté, le mal eût-il plus de réalité. Nous voudrions ne pas porter de haine, bien que l’orage étourdisse les graines. Qui sait combien les graines sont légères redouterait d’adorer le tonnerre. II Je suis la ligne indécise des arbres où les pigeons de l’air battent des ailes : toi qu’on caresse où naissent les cheveux… Mais sous les doigts déçus par la distance, le soleil doux se casse comme paille. III La terre ici montre la corde. IV Le jour se carre en moi comme un taureau : on serait près de croire qu’il est fort… Si l’on pouvait lasser le torero et retarder un peu la mise à mort! V L’hiver, l’arbre se recueille. Puis le rire un jour bourdonne et le murmure des feuilles, ornement de nos jardins. Pour qui n’aime plus personne, VI ô premiers jours de printemps jouant dans la cour d’école entre deux classes de vent! VII Je m’impatiente et je suis soucieux : qui sait les plaies et qui sait les trésors qu’apporte une autre vie? jaillir en joie ou souffler vers la mort. — sort de chez soi. VIII A très grande distance, je vois la rue avec ses arbres, ses maisons, et le vent frais pour la saison qui souvent change de sens. Une charrette passe avec des meubles blancs dans le sous-bois des ombres. Les jours s’en vont devant, ce qui me reste, en peu de temps je le dénombre. IX Les mille insectes de la pluie ont travaillé toute la nuit; les arbres sont fleuris de gouttes, l’averse fait le bruit d’un fouet lointain. X Cet air qu’on ne voit pas porte un oiseau lointain et les graines sans poids dont germera demain la lisière des bois. Oh! le cours de la vie entêté vers en bas! XI Le fleuve craquelé se trouble. Il flotte une odeur d’eau, lointaine et fade… tremble, rien que d’avoir surpris des paupières qui s’ouvrent. (Il y avait un canal miroitant qu’on suivait, le canal de l’usine, on jetait une fleur à la source, pour la retrouver dans la ville…) Souvenir de l’enfance. ni les jours : celui qui prendrait l’eau dans ses mains… Quelqu’un allume un feu de branches sur la rive. XII Tout ce vert ne s’amasse pas, mais tremble et brille, comme on voit le rideau ruisselant des fontaines sensible au moindre courant d’air; et tout en haut de l’arbre, il semble qu’un essaim se soit posé d’abeilles bourdonnant; paysage léger où des oiseaux jamais visibles nous appellent, des voix, déracinées comme des graines, et toi, avec tes mèches retombant sur des yeux clairs. XIII De ce dimanche un seul moment nous a rejoints, quand les vents avec notre fièvre sont tombés : et sous la lampe de la rue, les hannetons s’allument, puis s’éteignent. montent, d’autres flamboient, et moi je suis resté dans l’ombre. XIV Tout m’a fait signe : les lilas pressés de vivre et les enfants qui égaraient leurs balles dans les parcs. près, en dénudant racine après racine, l’odeur de femme travaillée… XV Les lilas une fois de plus se sont ouverts (mais ce n’est plus une assurance pour personne), des rouges-queues fulgurent, et la voix de la bonne quand elle parle aux chiens s’adoucit. Philippe Jacottet
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« Mais sous les doigts déçus par la distance, le soleil doux se casse comme paille. »…..
Un poème tendre et grave.
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Pauvre soleil, que les mains redressent de stances vives…
Merci ma Barbara.
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Merci à TOI.
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