
Mon Truc à Plume 1
À la Tombée du Plafond
par Lucien Becker
I
Le vent n’a pas voulu votre haleine
l’oreiller s’est vidé de sommeil
Les colchiques sont des étoiles épuisées
et le matin glisse sur eux de son pas mouillé
de paupières pleines
Les bas mal tirés de l’aube
s’éclairent à peine de cuisses vernies
La fausse éloquence des usines
le rire faux des fenêtres
ne veulent plus se taire
Les murs se regardent sans comprendre
La buée est restée l’écorce docile des maisons
La tête ne pense pas dans la gelée des vitres
derrière la fenêtre il y a un grand vide
que ne peut chasser la main
Un vent fumeux un vent décapité
déborde au-dessus des trottoirs
amassés contre les portes closes
Pas un couteau de soleil dans le dos
la voix de la femme a la forme de sa robe
une tête sans yeux regarde derrière nos têtes
des signaux indéchiffrables heurtent nos certitudes
La pluie qui scie la porte
a pourri tant de cadavres mal enterrés
La lumière ne peut plus remonter
retenue dans les lampes livides
et dans les bouteilles bues
II
Le jour fait de grands gestes
de sa main prise dans le volet
mais la fenêtre est levée comme un couteau
Le miroir est profond de toute la chambre
Le rideau n’est pas encore hésitant
du passage féminin de la lumière
la tête coupée de sommeil
est sur le lit
La rue passe sur le plafond
et la suie de l’obscurité tombe
s’arrête à l’accueil des portes vitrées
droites dans leur col
Comme une montre le jour avance
avec le bruit que fait le pont sortant de l’herbe
Le dormeur est toujours mort
de ses paupières collées
comme des fruits privés d’air
III
Un oiseau chante dans les couloirs de l’espace où la solitude est égale et stable entre les feuilles
La lumière déforme les regards enferme l’ombre dans son étui de soleil
Quelque part un piano se défend de pleurer un tas de feuilles mortes respire doucement quelque part dans une maison calme le jour se peigne à travers les volets les toits ne bougent
pas malgré leur fièvre les cheminées sont droites comme des plantes et le ciel monte d’elles très haut vers le soleil vers l’horizon où s’attache la hanche de la terre
une feuille d’ortie transparente de lumière un moulin de verre bat sur la ville nocturne un coup d’aile de clarté dévaste la terre la grande peur se retire des espaces
visibles
IV
L’hiver expose ses miroirs
à la terre qui entre dans le village
sur la pointe des pieds
aux saules gantés de tout le ciel
C’est le moment de croire à la vie éternelle
par les nuits ramées de nos pauvres lampes
de se défendre contre le soleil endimanché
qui ne connaît personne de son monocle froid
Le ciel est plus cassant
sur les terres amarrées par le gel
Le vent bouscule les passantes de la fumée
envie les lits larges comme des plafonds
Les vitres sont noires et dures
le jour n’y taille plus ses couteaux
les murs sont pensifs
les visages sont hauts comme des cheminées
l’amour couve sous ses mains moites
ses caresses démesurées
la campagne n’approche des routes
que par quelques pas dans la neige
elle reste des jours sans un mot de vent
qui s’use plus loin aux murs du village
parfois se casse le doigt sec d’une herbe
et la nouvelle se propage jusqu’à la ferme
le vent qui renifle la senteur du charbon
rentre à la même heure nocturne
dans sa chambre mal chauffée
V
Ies oiseaux se lèvent
et de leurs ailes se détachent les seins légers de l’air
les champs se taisent de toute leur rosée
la terre qui façonne le pain frais du soleil
n’a de tremblement que celui de ses feuilles
qui repoussent les battants du vent
taché de l’ombre des branches
Ses tempes sont claires comme celles des enfants
Les fenêtres se dévisagent
mais il reste de la nuit en elles
comme une flaque voyageuse
à la pointe des seins
Ma tête sort de son col de sommeil
et retrouve sur les murs les hautes bornes du matin
La mémoire rappelle ses promeneurs
levés de la même nuit que moi
et c’est la même affluence
que je ne peux disperser
vers qui vers quel être disponible
le même déploiement de peines bien appris
qui font un pont de mes yeux ouverts à mes yeux fermés
La tête regarde la main partir
à son travail quotidien
VI
Elle a de grands yeux qui font le tour de la tête
paupières dociles comme des céréales
ma bouche décroise vos craintes
et laisse tomber des feuilles de plaintes
prêtes sur la branche blessée de la gorge
et fond avec toutes les racines qui puisent
au plus obscur du tourment
la force de m’entourer de l’ombre de ma nuit
un beau regard pesant qui avait les yeux noirs
et qu’entre deux alcools
mon rêve obtint pour ses noces
comme une cloche battante d’insomnie
Regard dévisagé par une vie entière
tu es ma défense contre la mort
tu es la détresse quotidienne
qui souffle de mon cœur
Trop de sentiers tournent sans hâte au fond des bois
trop de lampes veillent dans la mémoire noire
trop de reflets brisent ta chair étonnée
avant cette mort où mers éteintes
tous passages refermés
nous serons les cristaux d’une étoile fausse
VII
Les péniches blanches et cuivrées de l’été
sont très loin très droites très sûres
et leur calme blesse ma colère toute prête
on ne voit rien on pressent qu’il se déplace
quelque chose derrière le rideau des céréales
et là où l’avoine et le blé sont moins denses
La tête des chevaux et l’échelle des voitures
dérangent le rêve des campagnes
Le jour m’apporte son démenti le plus nu
et je saigne par places de toutes ses étoiles
de tous ses rayons déracinés
par le couteau noir des profondeurs
mais l’ombre est plus large et plus féconde
et sa quête aveugle de vierge apeurée
charge le soleil de ses jambes hautes et dures
décapite ma tête (le battement plus frais des yeux)
avec celle somnolente des collines
se renverse dans l’éclatement d’un nuage
et tous les insectes du regard se posent
sur une épaule ouverte dans une femme
VIII
La tête nette comme un os
l’œil gauche comme un œuf à la coque
la main poignée d’alarme et de désespérance
plus nécessaire que le fond des yeux
toujours cernés par des hauteurs
sont dans leur gant loin l’un de l’autre
La nuit attend
la naissance du silence
Une rumeur rencontre des tiges de blé
qui ne veulent pas dormir
de leur beau regard brisé
de tant de paupières consentantes
Les étoiles attendent le train
je ne vois plus clair que par elles
que par leurs fentes
La joie s’ouvre comme une huître
et la pomme du rire roule jusqu’à la mer
avec des arrêts dans les grandes villes
au bord des ponts où la terre fuit
IX
Tu frappes des routes qui ne sentent rien
on t’ouvre des bras qui n’ont pas de charnières
tu veilles sous la lampe du front
tout le visage rassemblé dans un sourire
tu endors ton corps dans le lit
tu t’y refermes avec des gestes
qui sont ceux mêmes de ton enfance mal cicatrisée
ta pipe est plus chaude que ton cœur
ta vue est plus sûre que celle de ta mémoire
frappe plus fort ton pied désorienté
par les mille années de sommeil d’une nuit
et ce vent rocheux
debout sous les nuages flétris
qui niche dans l’oreille encore tiède
tu ne le quittes pas au premier tournant
tu respires sa brûlure étoilée
il te ferme toutes les portes
il fume des cheminées endormies
et ton songe tendu de feuillage mouillé
fait place à la clarté nerveuse du jour
qui pose un regard sur chaque pierre apparue
et n’atteint pas la nuit centrale
qui monte avec les doigts du sang
derrière les vitres où se fane ton œil
X
Le seau de l’orage
sur la tête nue des prés
les flaques d’où s’élève le nuage
et que les feuilles traversent en barques
montent jusqu’au bord d’une autre flaque
et s’attendent
Les pigeons émietteurs de soleil
égalisent à coups d’aile un ciel lavé
Un passant cherche une rue
où les poules de la terre ont pondu des cailloux
où les arbres sifflent les feuilles parties
vers d’autres arbres d’autres ruches
Dans les villages horizontaux
les maisons contre leurs bancs
écoutent le soir verrouiller la terre
des fleurs sèchent sur la tapisserie
la fraîcheur est debout dans les couloirs
le vent déborde un peu de sa vallée et la fumée entre dans l’éternité
XI
O pauvreté de mes veines
comme des rides sous la peau
je monte mes tourments
à vos étages difficiles
vous faites le tour de ma vie sans me voir
sans connaître le doute
que mène parmi moi votre attelage docile
Mes blessures sont vos blessures
et de cet œil de sang
où toutes vos prunelles abordent
vous voyez mal les chemins de la terre
où les flaques de regards se séparent
et se vident d’un trait
sans même l’éclat d’un regret
Vous n’entendez pas ma voix
vous êtes si loin dans vos mains
dans les grottes où je n’ai pas accès
et haletantes vous dites au cœur
que le monde est plus clair et plus grand que
XII
Je veux bien me planter au centre du vent mais pour une minute fraîche et oculaire comme les andains de rosée
La peur fumeuse se découd
comme l’incendie sous le toit
Elle est dans la poche
au carrefour des lignes de la main
sa parole est une peau ensommeillée
mal vêtue de soleil
son ressort de hasards sous le cœur
monté sur aubépine
avec de brusques détentes dans toute la vannure
des signes très brefs sur la portée des cils
elle est plus rouge que la joue en plongée
que l’invasion de l’oxyde sous l’ongle du fer
un poumon fait pour l’éclatement
l’annule de toute sa respiration
et la peur se distingue à peine de la paille
offerte par les mains de la haie
après les moissons généreuses
Le danger de soleil est imminent
dans le matin qui s’ouvre comme une porte
la nuit est comme une pêche
de désirs qui pousse sur la terre
et l’épouvante dans l’arbre creux du songe
s’allonge se perd aux mille raisons des racines
Et l’autre qui me gave avec ses démangeaisons d’acné qu’elle voudrait du poil dans la blessure, tout ça pour l’épiler, Non mais !
Si l’ado l’est sans c’est pas forcément d’la faute des parents,
Imagines, bordel, imagines !
Avant ils disent que c’était mieux, mais avant quand c’était mieux ils se plaignaient aussi du moment présent,
Je crois que ce qui fait l’ô d’heur c’est quand ça mouille vraiment du coeur pas du lubrifiant, Rien que de Toi,
N-L – 10/11/17
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